La détox a-t-elle vraiment du sens ?
Comme souvent, ce n'est ni tout blanc ni tout noir (je sais, c'est décevant, notre cerveau préfère pouvoir classer les choses dans "c'est bien" et "c'est pas bien"). Cet article, préambule de l'atelier de Mars 2019, permet de poser quelques éléments de compréhension pour se repérer dans cette cacophonie d'informations et de produits.
Tout d'abord, qu'est-ce qu'une cure détox ? C'est l'ensemble des procédés destinés à "détoxifier" ou "détoxiner" l'organisme (terme souvent employé mais qui n'a pas de sens d'un point de vue médical). Le véritable terme est "détoxiquer".
Mais pour savoir à quoi cela fait référence, allons voir du côté du foie.
Le fonctionnement du foie
Le foie a des fonctions de gestion des nutriments énergétiques, de synthèse de molécules nécessaires à l'organisme, mais aussi (et c'est ce qui nous intéresse) des fonctions d'épuration de molécules toxiques pour l'organisme (xénobiotiques) !
Détoxication des xénobiotiques
Molécules dont l'accumulation ou la simple présence s'avèrent potentiellement néfastes, les xénobiotiques sont en partie produits par l'organisme lui-même (exemple des hormones surrénaliennes et sexuelles).
Mais la plupart proviennent de l'extérieur. Il s'agit :
des médicaments,
des molécules hormone-like (perturbateurs endocriniens),
des drogues, de la caféine, de la nicotine,
des additifs ou contaminants délivrés par nos aliments (graisses oxydées de friture ... ).
La plupart de ces contaminants sont lipophiles, c'est-à-dire solubles dans l'huile mais pas dans l'eau, ce qui nécessite, pour qu'on s'en débarrasse, qu'ils soient transformés en dérivés hydrosolubles. Sans cela, ces molécules s'accumuleraient davantage dans le tissus adipeux.
C'est là que notre foie fait un boulot incroyable. Ça se passe dans le réticulum endoplasmique des hépatocytes, où sont situées la plupart des enzymes de détoxication (cytochrome P450 et autres comme la glucuronosyl transférase, glutathion).
La détoxication hépatique s'y fait en trois grands étapes, grâce à différentes enzymes. Les enzymes de phase I permettent d'ajouter un groupement hydroxyle (1 atome d'oxygène et 1 atome d'hydrogène) à la molécule tandis que les enzymes de phase II permettent d'ajouter un radical (ensemble d'atomes plus complexe). Et le corps peut finalement évacuer ces composés alors rendus solubles dans l'eau .
Un filtre très sensible
L'ensemble de ce qui est absorbé par voie digestive ou aérienne va passer par le foie (par l'intermédiaire du système digestif). Le contact et le traitement de toutes ces molécules peut finir par altérer le bon fonctionnement des hépatocytes.
Les enzymes de détoxication peuvent voir leur fonctionnement altéré, par exemple.
Si les premières enzymes (phase I) dysfonctionnent, l'entrée des molécules à détoxiquer dans le foie se fait moins bien, mais les composés sont normalement évacués du foie.
Pourquoi y a-t-il un dysfonctionnement des enzymes ? Dans certains cas, des molécules réduisent leur activité, c'est notamment le cas de certaines furanocoumarines telles que la bergamottine contenue dans l'extrait de pépin de pamplemousse. Attention ainsi à ne pas trop prolonger un traitement à l'EPP ou même à l'éviter en cas de prise simultanée d'autres médicaments.
Les enzymes du foie seraient aussi sensibles à une présence excessive de stress oxydant et de molécules pro-inflammatoires.
Le fonctionnement hépatique peut être fortement perturbé par la composition de la flore intestinale, et cela principalement en recevant des métaboliques bactériens pathogènes appelés LPS (lipo-poly-saccharides). Ils sont produits en quantités ayant un effet sur l'organisme en cas de dysbiose. Ces molécules sont alors détoxiquées par le foie et réduisent l'expression de certains cytochromes (enzymes de phase I de détoxication).
Les modes de cuisson peuvent apporter un surplus de molécules toxiques. Et notamment les cuissons à haute température (réaction de Maillard) au cours desquelles les protéines réagissent avec les sucres et forment des protéines glyquées. Ces protéines sont pro inflammatoires et pro-oxydantes.
Nous avons vu que l'intestin peut impacter défavorablement le fonctionnement du foie, mais l'inverse est aussi vrai ! En cas d'hypofonctionnement des enzymes de phase II, les composés toxiques s'accumulent dans les cellules du foie. Les molécules accumulées qui n'ont pas fini d'être traitées par le foie sont en partie sécrétées dans l'intestin avec les sels biliaires. Elles peuvent alors interagir avec l'intestin et sa flore, modifiant plus ou moins durablement l'équilibre du microbiote et de la sphère digestive !
Au final, quoi qu'il arrive, le corps produit ses propres molécules toxiques. Et il y a été exposé depuis la nuit des temps (combustion, cuisson des viandes, fumées ...). Donc rien d'anormal dans la présence de xénobiotiques dans notre corps et notre alimentation. La problématique se pose quand :
le système de détoxication hépatique n'est pas assez fonctionnel pour traiter une quantité normale de xénobiotiques
le système de détoxication hépatique est fonctionnel mais doit traiter un excès de xénobiotiques
des molécules absorbées par le corps limitent le fonctionnement du système de détoxication hépatique !
Comment savoir si j'ai besoin d'aider mon foie à détoxiquer ?
En cas d'hypofonctionnement du foie, la saturation des enzymes de détoxication hépatiques est souvent associée à des troubles digestifs hauts (reflux, dysphagie), une insuffisance de sécrétion hépatobiliaire, un ralentissement de la digestion des lipides, une modification du métabolisme des lipides et du cholestérol.
Ainsi, chez certaines personnes dotées d'enzymes peu performantes, elles seront rapidement surchargées. Cela conduit à une perturbation de l'ensemble des fonctions hépatiques. Par exemple si on additionne une prise de médicaments à la prise de caféine, d'alcool, de tabac et de la pilule (oui toi, la fumeuse en soirée qui prend la pilule et adore les vodka redbull !).
Comment aider le foie à détoxiquer
L'idée est d'apporter des plantes et des substances qui vont
aider les enzymes de phase II à fonctionner d'une façon plus efficace
protéger les cellules du foie (on parle d'hépatoprotecteurs).
C'est le cas de certains légumes, épices, compléments alimentaires (romarin, pois, curcuma, crucifères, chardon-Marie ...).
Le modèle proposé dans cet article ne fait pas encore l'unanimité et suscite des levées de boucliers de la part de certains scientifiques et médecins. Mais, comme toujours en cas de sujet polémique, mettons d'abord des mots, de la compréhension et de l'esprit critique sur ces concepts (autour desquels il y a de plus en plus de preuves !).
Pour moi, détoxiquer et avoir conscience des comportements toxiques a du sens. Dans la mesure où on aide son foie de temps en temps lorsqu'on ressent certains symptômes liés, cela n'est pas une mode, mais une façon de se faire du bien et de limiter les défaillances à venir pour cet organe.
Pour en savoir plus sur les cures détox qui peuvent valoir le coup et comment les différencier des autres, rendez-vous à mon atelier "détox info ou intox ?".
Sources
Micronutrition, santé et performance de Denis Riché (conflit d'intérêt avec le laboratoire PILEJE ?)
Micronutrition et nutrithérapie, synthèse générale à l'attention des professionnels de santé de Jérôme Manetta
Micronutrition et nutrithérapie de l'intestin de Jérôme Manetta
Formations de l'IEDM (conflit d'intérêt avec le laboratoire PILEJE).
Cet article vous a plu ? N’hésitez pas le partager et à poser vos questions en commentaire !