L’alliance de la kiné et de la nutrition

Voici le premier article d’une série d’interviews pour mieux comprendre le rôle de chaque profession de santé ! Chaque article a pour but de mettre en lumière cette profession et son articulation avec ma pratique.

Pour ce premier article, j’interroge Alice R. au sujet de son métier : kinésithérapeute.

 
L'alliance de la kiné et de la nutrition par Alix Le Calvez Diététicienne Psychonutritionniste
 

Pourquoi peux-tu rediriger tes patients vers un diététicien ou un médecin nutritionniste ?

Je m’intéresse beaucoup aux apports de la micronutrition et de la nutrithérapie pour les maladies impliquant l’immunité et l’inflammation, comme les douleurs articulaires et/ou chroniques, la fibromyalgie, ou même la candidose et la polyarthrite rhumatoïde.

Manger en fonction de la faim et de la satiété, réapprendre à avoir un comportement alimentaire adapté permet aussi de gérer son poids. En effet, un excès de poids peut engendrer des difficultés de mobilité que nous sommes amenés à traiter avec la kiné.

Intégrer un suivi nutritionnel est intéressant dans toutes ces conditions, bien que ça puisse parfois être hors des recommandations classiques. J’essaie alors d’aiguiser la curiosité du patient par rapport à la nutrition tout en restant subtile. Il n’existe pas de solution miracle dans le traitement des maladies chroniques, cependant la kiné, la médecine et la nutrition s’avèrent véritablement aidantes dans bien des situations.

peut-on dire que kiné et diet ont tous deux des rôles clés dans la déconstruction de certaines croyances ?

Exactement. Dans ta profession, j’ai compris qu’il n’est pas rare d’entendre les patients parler de certains aliments qui font grossir (aucun aliment ne fait grossir). Ou même peut-être de la peur de manger certains aliments ?

Dans la kiné, c’est pareil. On appelle d’ailleurs la peur de bouger ou peur du mouvement la kinésiophobie. Nous prenons grand soin de bien choisir nos mots quand nous nous adressons au patient de façon à ne pas créer ou accentuer ce type de croyance. C’est ce qu’on appelle un potentiel effet nocebo. Certaines phrases sont aujourd’hui réellement invalidées par les neurosciences.

On va plutôt utiliser des tournures de phrases positives, validantes et non-paralysantes. Si on créait un parallèle avec la nutrition ça pourrait donner ceci.

“Ne mange pas tu vas grossir.” = “Ne fais pas ce mouvement tu vas te faire mal au dos.”

“Manger contribue à mettre le corps dans un état d’équilibre.” = “Vous pouvez faire ce mouvement, peut-être plutôt comme ça et dans ce contexte.”

 
L'alliance de la kiné et de la nutrition par Alix Le Calvez Diététicienne Psychonutritionniste
 

La kiné : une rééducation à l’expérience du corps ?

Oui, nous essayons d’accompagner les gens dans la gestion de leurs pathologies et de leurs douleurs. Bien que ce soit souvent l’impotence ou la douleur qui amènent les patients à venir nous voir, on se rend de plus en plus compte que l’objet de notre prise en charge se tourne davantage vers le rapport que le patient entretient avec son corps et sa douleur et non la douleur en elle-même. Ce rapport peut être favorable ou défavorable à l’évolution de la douleur du patient.

En effet, on sait aujourd’hui que la douleur est multifactorielle et répond à un schéma bio-psycho-social (le corps, la tête, les autres). On ne peut pas se baser uniquement sur le corps en lui-même. Il est nécessaire en tant que thérapeute de prendre en compte l’ensemble des sphères d’un patient. D’où l’importance du travail interprofessionnel.

Pour vous donner un exemple, je vais parler de l’arthrose. Les douleurs qu’elle peut générer peuvent être traitées de différentes façon :

  • Pour certains patients, on conseillera davantage sur la façon de gérer l’effort (limiter les efforts isolés trop longs et intenses, privilégier les activités progressives par exemple).

  • Pour d’autres, on aura un rôle davantage un rôle de psycho-éducation en travaillant sur la place que la douleur prend dans la vie du patient et son lien avec d’autres conditions (dépression par exemple).

Le kiné est un important maillon de la prévention santé

Le kiné passe beaucoup de temps avec son patient : il le voit souvent, parfois trois fois par semaine entre trente min et une heure, jusqu‘à même 1h30. On a le temps d’établir une relation de confiance avec le patient.

Nous sommes des interlocuteurs privilégiés pour informer les patients et les réorienter en fonction du besoin vers d’autres spécialistes tels que médecin du sport, nutritionniste, pédicure-podologue ou encore pneumologue.

Par exemple, une patiente me consultait pour de la kiné respiratoire dans le cadre de l’exacerbation d’une toux qui durait depuis plus de 15 ans et ce en l’absence d’un suivi pneumologique. J’ai pu alors la rediriger vers un pneumologue afin qu’un bilan respiratoire plus poussé soit réalisé.

 
L'alliance de la kiné et de la nutrition par Alix Le Calvez Diététicienne Psychonutritionniste
 

quelle est la différence entre un kiné et un ostéo ?

Ces deux professions traitent d’un même domaine : le musculo-squelettique. Certaines techniques sont communes, d’autres sont différentes. La plupart des kinés ont pour principe d’utiliser des soins de rééducation basés sur des preuves scientifiques. L’ostéopathie est peut-être plus basée sur des médecines plus empiriques. Cette question est délicate et c’est difficile d’y répondre objectivement !

Les soins du kiné sont-ils remboursés ?

Dans la plupart des prises en charge d’un kinésithérapeute, les actes sont conventionnés, c’est à dire qu’ils sont remboursés par la sécurité sociale. Cela nécessite que les soins soient prescrits par un médecin et que la pathologie soit dans la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). Par exemple, les kinés savent traiter les lymphœdèmes, mais hormis les lymphoedèmes vrais, les soins des « jambes qui gonflent » sont hors nomenclature. Et par voie de conséquence, les kinés en traitent peu (ce n’est pas dans les mœurs de pratiquer des soins non remboursés).

De quelles problématiques les kinés d’occupent-ils principalement ?

Notre champ est assez large et nous pouvons intervenir dans le cadre de pathologies diverses (pour être assez exhaustif, voici une petite liste).

-       Les troubles musculo-squelettiques avec la traumatologie et l’orthopédie

-       Les maladies neurologiques et musculaires (ex. AVC)

-       Les maladies inflammatoires

-       Les maladies vasculaires telles que les lymphœdèmes vrais

-       Le domaine respiratoire

-       La paroi abdominale

-       Les conséquences des maladies respiratoires

-       Les pathologies maxillo-faciales, et de la sphère ORL

-       Les affections périnéales

-       La marche chez le sujet âgé

-       Les brûlures

-       Les soins palliatifs

Certains kinés se spécialisent dans un ou plusieurs domaines particuliers. Pour ma part, j’ai une spécialité dans la rééducation périnéale et je pense à me former davantage à la prise en charge de la douleur.

L’autonomie, c’est la clé

Selon moi, le point clé de la prise en charge kiné est la capacité d’autonomisation du patient, tout comme en diététique.

 
L'alliance de la kiné et de la nutrition par Alix Le Calvez Diététicienne Psychonutritionniste
 

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