Barbara témoigne de sa rémission d’anorexie

Barbara témoigne de sa rémission d'anorexie par Alix Le Calvez Diététicienne Psychonutritionniste

“Le bonheur, c’est le voyage, pas la destination.”

POURQUOI CET ARTICLE ?

Derrière cet article, il y a l’intention de témoigner que c’est possible de revivre, petit pas après petit pas, une vie dans laquelle on se sent vivant, même quand on a été malade de l’anorexie. Cet article est aussi une introduction à des ateliers pour personnes atteintes de troubles du comportement alimentaire que nous allons présenter, Barbara et moi.

“TRANSMETTRE, C’EST CE QUE JE VALORISE DANS LA VIE”

Barbara, pourquoi souhaiter partager cette expérience au travers d’un atelier, d’une interview ?

Mon but c’est d’aider ! J’aimerais transmettre dans les ateliers que j’ai l’impression de renaitre depuis que je sors de l’anorexie. Avant je ne savais pas ce que j’aimais. Émerger de mon TCA a été et est toujours une vraie démarche pour devenir ce que je suis vraiment au fond de moi. Je veux être quelqu’un qui transmet des connaissances, de la bienveillance, de la force, quelqu’un qui inspire du positif.

As-tu perçu une stigmatisation dans le fait d’être visiblement amaigrie ?

J’ai détesté la pitié que j’ai perçue dans les yeux des personnes qui me regardaient quand j’ai commencé à prendre conscience que j’étais malade. Avant, je ne m’en rendais même pas compte. En fait, ce que je veux donner aux gens, ce n’est pas l’image de quelqu’un de malade qui ne peut pas manger un burger, mais plutôt de quelqu’un qui transmet du positif.

“L’ANOREXIE N’EST PAS MOI”

Je pense que si on ne se dissocie pas de la maladie, on ne peut pas s’en sortir. C’est aussi pour ça que j’ai arrêté pendant un temps tout ce qui est réseaux sociaux. Parler de l’anorexie sur ces réseaux peut conduire à développer un attachement à cette maladie. Ils entretenaient chez moi une forme de communautarisme toxique. À un moment j’ai eu peur qu’on m’accorde moins d’importance si je n’étais plus malade, comme si je ne méritais pas d’attention pour ce que j’étais.

L’ANOREXIE COMME EXPÉRIENCE DE VIE : GARDER LE CONTRÔLE

Qu’est-ce qui t’as le plus marqué dans cette maladie ?

Mon anorexie a ses racines dans ma sensibilité extrême aux attentes de mon entourage. Très perfectionniste, je m’appliquais à être tout ce qu’on pouvait attendre de moi.

À force de toujours vouloir me conformer, l’anorexie est progressivement devenue le seul lieu où j’avais le contrôle de ma vie. Au travers de mon corps et de ce que je choisissais de manger, là au moins je pouvais m’affirmer, dire non.

Et puis l’anorexie me permettait aussi d’anesthésier toutes mes émotions. C’était comme si elle masquait tout, tout le temps. Je ne sentais plus rien, ni physiquement, ni intérieurement : comme un mort-vivant hyperactif. Il fallait que je bouge tout le temps. L’amygdale dans mon cerveau tournait à plein régime à cause du stress et de l’urgence permanente subis par mon corps, sous l’influence de l’adrénaline et du cortisol.

Dans l’anorexie, mon corps se programmait à se suicider : plus je contrôle, plus je perds, plus mon corps veut mourir. C’était comme une volonté inconsciente de se suicider. Mon inconscient me disait : si tu n’es pas alignée avec ce que tu veux être, alors tu ne peux pas être.

“L’HOSPITALISATION NE M’A PAS SOIGNÉE, MAIS A ÉTÉ UNE RÉELLE PRISE DE CONSCIENCE”

Quelle a été la clé pour toi pour t’extirper de cette maladie ?

Le déclic est venu des médecins. Ils n’ont pas été très tendres, notamment mon endocrinologue. Il a levé le déni que j’avais de ma maladie, mais d’une façon très brutale, en me révélant que mon équilibre hormonal était fortement affecté.

Le suivi à l’hôpital ne m’a rien apporté sur le plan médical, mais je leur suis reconnaissante de m’avoir ôté ce déni et de m’avoir responsabilisée. J’ai pris conscience que si je voulais arrêter d’être malade, il fallait arrêter de penser que tout était normal, il fallait que je me bouge. Si on ne fait pas les choses pour soi, ça ne sert à rien, on ne va nulle part. Ou, en tout cas, pas vers soi-même.

REVENIR À LA VIE : DOULEUR ET BONHEUR DE LA RENAISSANCE

À partir du moment où tu as choisi de sortir du déni, quelles ont été tes étapes pour renaitre pas à pas ?

D’abord, je me suis détestée encore plus fort de ne pas faire assez d’efforts pour m’en sortir. Le rejet, voire dégoût de moi-même, a été d’autant plus violent que j’étais consciente qu’une part de moi n’avais pas envie d’en sortir. Voir la pitié dans le regard des gens m’a encore plus motivée à me battre !

Au fur et à mesure que je nourrissais de nouveau mon cerveau et mon corps, les émotions se sont mises à réexister. Prendre contact avec ce monde intérieur a été intense et est toujours un combat de chaque instant. Dans ce cheminement, l’application FeelEat a été une véritable aide.

Je me suis appuyée sur des principes philosophiques humanistes pour retracer un chemin vers moi-même. J’ai lu et appris. J’ai choisi d’arrêter de penser au passé car il est révolu. Personne n’a la vérité : je ne juge pas les autres donc j’essaie de ne plus me juger moi-même. Essayer d’être le plus authentique possible dans mes relations a été libérateur, car finalement le pire n’est pas de perdre l’autre, mais de se perdre soi-même.

GARDER LE CAP : « Fuck You, mange ta tartine. ^^ »

Qu’est-ce qui pourrait constituer un frein à ton changement ?

Aujourd’hui, même si j’ai de moins en moins de TCA, j’ai toujours des pensées en lien. Instant après instant, quelle pensée je choisis de privilégier, et quelle pensée je préfère arrêter de nourrir. Des fois, lorsque l’anorexie revient, je sais qu’elle est toujours là, mais elle ne mérite pas que je lui accorde l’attention qu’elle avait avant.

La culpabilité de ne pas correspondre à ce qu’on voudrait que je sois aurait plutôt tendance à me ramener en arrière. Une part de moi voudrait toujours très fort être conforme aux attentes des autres et a du mal à accepter la déception que je peux parfois déceler.

Qu’est-ce qui t’aide à garder ta direction ?

C’est un combat de tous les instants. M’éloigner de mon environnement et de mes habitudes, géographiquement et psychologiquement, a été une grande part de mon déclic. À Saint-Étienne, j’étais suivie par une diététicienne qui m’a beaucoup aidée : rien que la bienveillance de cette personne a été un vrai plus.

Ce sont les micro-actions qui font les grands changements. Tous les jours, j’ai rajouté une petite chose à mon alimentation (douce façon de dire que je faisais des efforts incommensurables !!!). C’est aller vers soi-même et contre la maladie. Me remettre de l’anorexie, c’est aussi faire des choix engagés vers mes valeurs, vers ce qui compte pour moi, vers ce que je veux vraiment être. C’est un changement qui vient de l’intérieur.

Je garde à l’esprit de rester en contact avec moi-même sans me laisser affecter par ce que la société ou les autres peuvent renvoyer.

UN CHEMIN POUR SE RETROUVER

Si cette expérience devait t’avoir appris quelque chose, qu’est-ce que ce serait ?

Combien de fois je me suis dit que si cette anorexie n’avait pas été là, j’aurais continué comme ça pendant longtemps. Sans elle, je ne me serais peut-être pas rendue compte que la vie que j’avais ne me correspondait pas. Ma vraie personnalité ne pouvait pas se révéler, comme si la société me mangeait ! Je me sentais illégitime dans ce que j’étais, une manière de vivre le syndrome de l’imposteur. C’est encore difficile pour moi d’exister et de prendre ma place.

“ON A LE DROIT D’ÊTRE QUI ON VEUT ÊTRE SANS SE JUGER”

Si tu avais une seule chose à transmettre aux personnes atteintes de ce trouble, que souhaiterais-tu leur dire ?

Vous pouvez avoir la vie que vous voulez avoir. Il y a tellement de choses à faire dans la vie qui méritent l’énergie que l’anorexie me prenait. L’anorexie et les troubles du comportement alimentaire ne sont pas la solution.