Cinq choses à savoir sur les compulsions

Si vous souffrez de compulsions, peut-être vous dites-vous qu’avec de la volonté, s’en sera fini d’elles ? Que vous allez bientôt consulter un hypno-thérapeute et qu’elles vont enfin s’envoler ?

Je m’aperçois que de nombreux mythes persistent à leur sujet. Par ailleurs, lors de l’écriture de ce texte, j’ai été effarée par le nombre d’articles qui en traitent sous un angle très fermé (uniquement sous celui de la micronutrition ou de la psychologie) !

Avec le temps et le recul, il m’est apparu que se détacher des compulsions est souvent bien plus complexe et profond qu’une simple histoire de volonté, de compléments alimentaires, de sortir faire un tour ou même d’expression émotionnelle. Cela peut demander un peu de tout ça, mais aussi et surtout de comprendre vos besoins alimentaires sur la journée, et même sur la semaine.

 
Cinq choses à savoir sur les compulsions Alix Le Calvez Diététicienne Psychonutritionniste
 

1 - Au moins 50% des compulsions seraient liées à des apports alimentaires insuffisants

Les contributions de l’expérience d’ancel keys

La restriction alimentaire entraine mécaniquement des compulsions et une augmentation des pensées pour l’alimentation. S’il existe une étude emblématique de ce phénomène, il s’agit bien de celle du Minnesota, menée par Ancel Keys aux États-Unis en 1944/45.

“Cette expérience sur la biologie de la famine humaine a été […] conçue pour surveiller les effets physiologiques et psychologiques d'une restriction alimentaire sévère et prolongée chez 36 jeunes volontaires en bonne santé […]. L'expérience comprenait une période de contrôle de base de 3 mois, 6 mois de semi-nutrition, et 3 mois de réhabilitation nutritionnelle contrôlée. Les résultats ont été publiés en 1950 sous le titre “La Biologie de la famine humaine".”

Lors de cette expérience, les sujets ont vu leurs apports alimentaires divisés par deux pendant 6 mois, ce qui a conduit à une perte de poids significative (-25% du poids initial). Les 3 mois qui ont suivi ont permis de rétablir le poids initial des participants.

  • Un nombre important de participants, lors de la phase de renutrition, reportèrent des pertes de contrôle alimentaire (11 des 19 participants). Et 6 des 11 participants ont même vécu de véritables crises de boulimie pendant la phase de réhabilitation.

  • La nourriture et l'alimentation, les pensées sur la nourriture sont devenues le premier et le plus grand intérêt, ainsi que le principal sujet de conversation. Cinq hommes de l’étude ont collectionné des recettes ou des livres de cuisine, sept ont apprécié le plaisir indirect de regarder les autres manger, tandis que d'autres essayaient d'éviter de regarder les autres manger. Certains ont déclaré avoir rêvé de manger des aliments interdits et se réveiller en se sentant coupables.

  • Lors de cet épisode de restriction calorique, les participants ont développé des comportements particuliers autour de l’alimentation pour lutter contre la sensation de faim. Pendant les repas, trois personnes ont déclaré créer des mélanges alimentaires étranges, quelques uns ajoutaient des épices ou de l'eau à leur soupe. Certains mangeaient plus rapidement, tandis que d'autres mangeaient dans un véritable état de recueillement et léchaient leurs assiettes afin d'obtenir la dernière bouchée de nourriture. Dix personnes ont radicalement augmenté leur consommation de café (jusqu'à 15 tasses par jour) et d'eau dans le but de combattre la faim. La consommation de chewing-gum a augmenté au-sein du groupe.

Une grande part des compulsions alimentaires, et c’est ce que j’observe dans ma pratique, sont générées par des apports insuffisants. 50 à 80% des compulsions et crises peuvent être secondaires à une restriction calorique. Les pensées tournées vers l’alimentation peuvent aussi simplement être une manifestation de la faim, on peut le déduire de l’expérience d’Ancel Keys.

Une des premières étapes, si vous cherchez à résoudre une problématique de compulsions alimentaires, est de vérifier que vous consommez le nombre de calories nécessaires. Soit 1800 à 2200Cal en moyenne pour une femme et 2400 à 2600Cal en moyenne pour un homme.

Pour calculer vos besoins il s’agit de calculer dans un premier temps votre métabolisme de base (qui représente 60% de votre dépense énergétique journalière).

MB femme = 0,963 x P^0,48 x T^0,50 x A^-0,13
MB homme = 1,083 x P^0,48 x T^0,50 x A^-0,13

P = poids en kg
T = taille en m
A = âge en année
Le résultat est en MJ / jour (donc à multiplier par 1000 pour obtenir les kJ, puis diviser par 4,18 pour obtenir les Cal.

Puis vous multipliez cette valeur par votre niveau d’activité physique (vous pouvez utiliser cette fiche pour l’évaluer).

Attention, les applications de régime qui calculent vos besoins les sous évaluent généralement de façon drastique.

Peut-être cherchez-vous à réguler votre poids en mangeant moins, en évitant certains aliments, cependant cela peut avoir un certain effet kiss-cool.

 

2- des carences en micronutriments augmentent les risques de compulsions

le regard de la micronutrition

D’après Jérôme MANETTA, docteur en physiologie et chercheur, de nombreuses études montrent que les aliments que nous ingérons peuvent modifier le fonctionnement de notre cerveau. Les aliments, par les nutriments qu’ils contiennent, participent à l’équilibre émotionnel et dans certains cas, des déficits peuvent être associés à des troubles de l’humeur plus ou moins sévères.

Il est donc important de consommer suffisamment de :

  • Magnésium. Le magnésium est un ion incontournable au bon fonctionnement de nos neurotransmetteurs et donc pour notre humeur. Il est très utile pour que les molécules de sucre consommées soient converties en énergie. Il est essentiel à la régulation du taux de sucre sanguin.

  • Oméga 3, acides gras polyinsaturés. Des recherches sur l’animal ont montré l’implication des oméga 3 dans la transmission des systèmes sérotoninergiques et catécholaminergiques (liés au bien-être et à la motivation, pour faire simple).

  • Protéines (sources de tryptophane et tyrosine, des acides aminés essentiels à la fabrication de nos neurotransmetteurs comme la sérotonine et la dopamine)

  • Entre autres, comme le suggère le schéma ci-dessous.

 
 
Cinq choses à savoir sur les compulsions Alix Le Calvez Diététicienne Psychonutritionniste
 
 

3- Le stress et le surmenage comptent parmi les responsables

Le mal du siècle ?

L’image ci-dessus l’illustre bien, stress et alimentation sont intimement liés. Il a été démontré que, statistiquement, les métiers plus stressants augmentent le risque de compulsion et le risque de prendre quelques centimètres de tour de taille y serait plus élevé (notamment pour les infirmières). Lorsque le stress devient chronique, les systèmes de défenses, principalement neuro-endocriniens, vont épuiser l’organisme et installer de façon insidieuse un véritable mal de vivre.

  • Le stress chronique augmente aussi la production de molécules qui amplifient l’appétit au niveau de l’hypothalamus (le neuro-peptide Y).

  • Il a tendance à altérer notre capacité à ressentir la faim et la satiété car il perturbe le bon fonctionnement de notre système nerveux autonome !

  • Le stress amplifie les carences en magnésium, qui seraient liées aux compulsions sucrées. Un vrai cercle vicieux.

Vous est-il difficile de faire des pauses ? Repensez à la façon dont vous gérer votre rythme. Avez-vous de vrais moments de détente ?

 

4- Des émotions plus ou moins identifiées et des sollicitations extérieures peuvent être en cause

Le point de vue des addictions

Oui, nous avons tous des émotions, des besoins plus ou moins identifiés qui, s’ils sont mal compris, peuvent nous pousser à agir pour aller “moins mal”. On peut alors se sentir privé d’une part de liberté. Ces compulsions, en présence d’un apport en énergie et d’un repos suffisants peuvent s’expliquer par un apprentissage déficient de nos émotions et de leurs messages sur nos besoins.

Il arrive aussi que les compulsions ne soient pas liées aux émotions, ni à une restriction calorique ou cognitive, mais simplement à des sollicitations extérieures. Dans ce cas, on parle d’externalité (qui rejoint aussi les addictions). Pour ma part, je connais bien ça, car si un plat me plait, je serai d’autant plus tentée d’en manger plus.

Il convient alors de développer une connexion douce avec ce qui compte pour vous, les signaux de votre corps, développer la conscience de ce qu’il se passe en vous au niveau corporel et digestif par exemple.

 

5- L’hypnose peut améliorer une partie de ces comportements

Quelques études montrent que l’hypnose est une aide pour traiter les racines des compulsions tant au niveau cognitif et émotionnel. Elle permet une réelle prise de perspective. Cependant, elle n’aide pas particulièrement à identifier que l’on ne mange pas assez, ni même nos carences micro-nutritionnelles, c’est pourquoi elle peut être inefficace, si utilisée seule !

L’hypnose est une aide pour :

  • initier un mouvement pour prendre soin des parts plus vulnérables en nous,

  • identifier et ajuster le niveau de pression par rapport à nos objectifs (source de résignation et donc de compulsion). Foutu pour foutu, je m’y mets demain, changer d’alimentation ça me semble une montagne …

  • avoir plus de recul par rapport à nos comportements (lorsqu’on est en lutte, on ne perçoit parfois plus que le comportement problème mais pas le contexte dans sa globalité). Et peut-être voir ces compulsions sous un autre angle : y a-t-il un besoin plus profond qui se cache derrière ?

  • ancrer de nouveaux conditionnements à des niveaux plus ou moins conscients …

 
 
Illustration provenant de la formation du Centre de Formation Diététique et Comportement - TCA et diététique - avec Alain PERROUD et Florian SAFFER

Illustration provenant de la formation du Centre de Formation Diététique et Comportement - TCA et diététique - avec Alain PERROUD et Florian SAFFER

 
 

Ci-dessus, le schéma de FAIRBURN, psychiatre anglais et chercheur à l’université d’Oxford, illustre le système de la boulimie. Il met en lien une partie des mécanismes expliqués dans cet article.

Les compulsions alimentaires s’expliquent ainsi globalement par les même mécanismes que les crises de boulimie : restriction calorique, pression/résignation, perte de contact avec les sensations de faim et de satiété et méconnaissance des apports alimentaires appropriés.

 

En résumé et une fois encore, les clés ont à voir avec ce qui vous est nécessaire : à vous, à votre corps, à votre tête et à votre coeur ! Dans le cas des compulsions, et selon leur intensité, un travail pluri- ou même interdisciplinaire est à favoriser (entre diététicien et psychologue, notamment), car elles se situent au carrefour des besoins nutritionnels et psycho-émotionnels.

 
 

PS : vous voulez savoir exactement ce qu’est une compulsion, sa définition, etc. ? Comme vous le comprenez, il existe tout un panel d’accès alimentaires impulsifs, de la boulimie aux compulsions subsyndromiques. Et même les chercheurs et autres scientifiques ne semblent pas extrêmement au point. Voici un article très détaillé sur l’hyperphagie et les différentes définitions des compulsions. Bonne lecture


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